Monsieur Maron,
Lors du conclave du 18 octobre dernier, le gouvernement a pris une série de décisions concernant la réforme fiscale dont celle d’agir en 2 étapes :
Une première phase consiste à adopter les dispositions légales nécessaires pour la mise en œuvre des mesures qui doivent être opérationnelles dès le 1er janvier 2016. Il s’agit principalement du shift de la fiscalité sur le travail vers celle de l’immobilier figurant dans la déclaration de législature.
Une seconde phase vise notamment la suppression du bonus-logement et la mise en place d’un abattement conséquent sur les droits d’enregistrement prévus pour le 1er janvier 2017.
Ce shift fiscal se veut être neutre pour les contribuables bruxellois qu’ils soient locataires ou propriétaires.
L’augmentation du précompte immobilier (entre 9,81 et 14,83% ) doit être en principe compensée par :
-une diminution de l’impôt des personnes physiques via la suppression de l’additionnel agglomération de 1% et ;
- la suppression de la taxe de 89 euros sur les ménages.
Cette compensation se vérifie de manière quasi automatique pour le propriétaire. Dans les quelques cas où la compensation n’est pas vérifiée comme les propriétaires modestes, le gouvernement a en outre prévu de verser une prime de 120 euros afin de rétablir l’équilibre.
Cette compensation ne sera par contre pas immédiate pour le locataire. Ce dernier devrait bénéficier dans un premier temps de l’avantage fiscal à l’IPP et de la suppression des 89 euros. Il ne verra la répercussion de la hausse de précompte immobilier sur son loyer qu’à l’occasion de la renégociation de son bail ce qui peut dans certains cas prendre quelques années.
Il est extrêmement difficile à ce stade de déterminer si la hausse moyenne estimée de 120 euros de précompte immobilier annuel, soit 10 euros par mois, sera effectivement répercutée par tous les propriétaires-bailleurs sur les loyers et dans quels délais.
Sans vouloir éluder l’enjeu de cette question, on parle ici d’une hausse potentielle de 10 euros par mois sur un loyer mensuel moyen à Bruxelles de 650 euros. L’impact moyen serait donc de 1,5% sur le loyer pour ceux qui ne bénéficieraient d’aucune compensation.
Pour les locataires répondant aux conditions du logement social, le régime actuel de l’allocation loyer actuel ne permet pas de couvrir cette hausse éventuelle du coût du loyer.
C’est à travers un système d’allocation-loyer généralisée, encadrée et plafonnée que l’on pourra apporter une réponse appropriée à l’impact de cette réforme fiscale. Comme je l’ai déjà signalé en commission la semaine passée, la Déclaration de Politique Régionale prévoit la mise en place, par voie d’ordonnance, d’un système d’allocation-loyer général. Ce travail est en cours d’élaboration et un avant-projet d’ordonnance sera déposé au gouvernement courant 2016.
Conformément à la déclaration de politique régionale, un autre outil de la politique de loyers pourrait être mis en place à travers la régionalisation du bail. Il s’agit de la grille indicative des loyers qui devrait permettre de contester les loyers abusifs sans porter atteinte à la liberté de contracter.
Je suis particulièrement attentive au suivi de l’impact de cette mesure sur les locataires. Un monitoring régulier de l’évolution des loyers nous permettra d’identifier plus objectivement l’impact de la réforme fiscale avec, le cas échéant, des mesures correctrices à proposer.
Par ailleurs, j’ai fait savoir à la SLRB que le prochain focus de l’observatoire des loyers et des ventes devra porter en priorité sur l’impact de la réforme fiscale sur les loyers.
En ce qui concerne le budget économisé suite à la disparition du bonus logement, il faut savoir que toute la marge disponible est affectée au nouveau mécanisme d’abattement des droits d’enregistrement qui entrera en vigueur le 1er janvier 2017.
Ce budget économisé est par ailleurs insuffisant pour couvrir à lui seul le coût de la nouvelle mesure au cours de cette législature. Ce n’est seulement qu’à partir de 2020 que l’impact budgétaire positif de la suppression du bonus logement sera suffisant pour couvrir à la fois le mécanisme d’abattement des droits d’enregistrement mais aussi d’envisager de financer de nouvelles politiques.
Le gouvernement actuel ne dispose donc d’aucune marge nouvelle sous cette législature suite à la disparition bonus logement. Il m’est dès lors impossible de revendiquer quoi que ce soit à ce sujet. Il reviendra au prochain gouvernement de déterminer ce qu’il entend faire avec ces nouvelles ressources. Mais vous en conviendrez, toute la marge dégagée suite à la suppression du bonus logement est affectée exclusivement à un mécanisme qui renforce l’accession à la propriété. Les moyens dégagés sont donc intégralement réinjectés dans la politique du logement, ce dont je me réjouis.
Comme j’ai eu l’occasion de le souligner lors de la présentation du budget 2016, notre volonté de renforcer le soutien à l’accès à la propriété pour les Bruxellois, en priorité les jeunes est un axe majeur de notre politique. Il s’agit là d’une mesure sociale de tout premier plan pour lutter contre la précarité et les aléas de la vie. La réforme fiscale, et tout particulièrement la mesure d’abattement significatif des droits d’enregistrement, rencontre cet objectif. Elle vient harmonieusement renforcer notre arsenal d’incitants en faveur de la primo accession. Cet incitant fiscal conjugué avec les crédits octroyés par le Fonds du Logement permettront demain d’apporter une réponse publique plus appropriée et plus efficace aux besoins financiers des bruxellois en matière d’accession à la propriété.
En matière de concertation, nous avons bien entendu été très attentifs aux avis formulés par les uns et les autres. Il nous a cependant paru plus judicieux de prendre l’avis du Conseil consultatif du logement après que les grandes lignes de la réforme aient été clarifiées et arrêtées par le gouvernement.
Le gouvernement m’a chargé d’ailleurs, le 26 novembre dernier, de solliciter l’avis du Conseil consultatif du logement sur le premier train de la réforme fiscale, ce qui a été fait ce mercredi 2 décembre.
Il va de soi que le Conseil sera également consulté sur les textes constituants la seconde partie de la réforme.
Sachez également que dans le cadre de nos contacts réguliers avec le Fonds du logement, la question de la réforme fiscale a souvent été abordée. L’abattement des droits d’enregistrement est une mesure plutôt bien accueillie par les gestionnaires du Fonds car elle vient renforcer les outils de crédits proposés par le Fonds.
En ce qui concerne l’impact de l’augmentation du PRI sur le prix du logement en location des AIS :
Tout d’abord nous avons obtenu que toutes les exonérations au précompte immobilier restent inchangées. Le tarif réduit pour les habitations sociales et les agences immobilières sociales en vertu de l’article 255 du code des impôts sur le revenu et de l’ordonnance du 12 novembre 1992, reste en vigueur. Les propriétaires pourront donc continuer à bénéficier du taux régional de PRI de 0,8% au lieu de 1,25%.
La réduction d’impôt visée à l’article 143/30 du CIR, pour les dépenses de rénovation d’une habitation dont le contribuable est propriétaire et qu’il donne en location via une agence immobilière sociale est quant à elle supprimée.
Le faible volume budgétaire de cette réduction d’impôt, soit 33.000 euros par an, comparé à la charge administrative disproportionnée qu’elle représentait, a conduit assez logiquement le gouvernement à la supprimer.
Dans la foulée des débats du CBCES qui s’est tenu le 25 novembre et qui avait justement pour thème la réforme fiscale, a été entamée la réflexion sur le levier supplémentaire que peut représenter la réforme pour la politique du logement social.
Une solution pour mettre davantage d’habitations sur le marché locatif à des prix abordables réside dans le renforcement des moyens pour les AIS. Il faut encourager des propriétaires bailleur à investir dans le logement social en créant des dispositions incitatives complémentaires. C’est la raison pour laquelle, je plaide pour une exonération plus importante voire une suppression totale du PRI régional en lieu et place des 0,8%. Cette mesure pourrait même intervenir lors de l’entrée en vigueur de la 2ème phase de la réforme fiscale.
Dans l’intervalle, nous étudions la possibilité d’adapter dès 2016 le montant des subsides alloués aux propriétaires-bailleurs à travers l’arrêté qui organise le secteur des AIS afin de neutraliser les effets de la réforme qui décourageraient ces derniers à investir dans ce segment du marché.